Potosi

Publié le par Nora & Rapha

HDu 11 au 13 novembre 2015


On mettra 4 heures au lieu des 3 prévues ! Le bus s'est arrêté en pleine montagne dans une côte pendant 20 minutes. On n'aura pas d'explication. Le long de la route, on suit un rio (petit cours d'eau) le long duquel il y a un canyon ; l'eau est canalisée par des gouttières en ciment ou en terre. Il y a donc des cultures dans la vallée. On voit que c'est la fin de la saison sèche. Il n'a pas encore plu ici. Le lit des rivières est à sec. En arrivant vers Potosi, on sent déjà qu'il fait plus froid qu'à Sucre. On est dans la ville de plus de 100 000 habitants la plus haute du monde. On est à 4055 mètres. A chaque fois qu'on monte en altitude, les bouteilles d'eau travaillent et quand on les ouvre, ça fait pchitte comme si c'était de l'eau gazeuse ! Les abords de la ville ne sont pas très attirants. C'est vraiment dégueu. Il y a des déchets partout, partout, partout. Une déchetterie à ciel ouvert n'arrange rien ; les sacs plastiques s'envolent ! Il n'y a aucun arbre, toutes les maisons sont en briques rouges ou en adobe. Ça fait triste. En plus, le ciel est sombre, il y a de l'orage qui monte. On a l'impression qu'il va faire nuit deux heures avant l'heure. Le nouveau terminal est loin du centre. Le temps qu'on se renseigne sur les horaires de bus de notre prochain trajet et qu'on aille dans le centre en taxi, c'est le déluge ! On avait réservé notre hôtel sur Booking. On est content d'apprendre qu'on paie 20 % de plus que si on était arrivé sans réserver ! Rapha ira manger tout seul. Je préfère jeûner pour calmer quelques problèmes gastriques !


Le lendemain, on plie nos affaires et on les laisse dans un casier. Il n'y en a pas souvent. C'est bien pratique. On passe par la place du 10 novembre 1810. En Bolivie, chaque place principale porte le nom du jour de l'indépendance. Elle est entourée de jolis bâtiments coloniaux. Le soir, ils sont éclairés par des lumières de différentes couleurs. Il ne faut pas s'arrêter à la banlieue qui donne envie de sauter directement dans un autre bus. Le centre est vraiment mignonnet. On file visiter la casa de la moneda (maison de la monnaie) créée à la fin des année 1750 par le gouvernement colonial. En fait, Potosi vous dit peut-être quelque chose. C'est la ville qui a permis à l'Espagne de s'enrichir pendant la colonisation. Elle est connue pour ses fructueuses mines d'argent qui sont toujours exploitées aujourd’hui. Cette casa de la moneda fut donc construite pour transformer l'argent tiré des mines en lingot et en pièces. 80 % de la production était renvoyée en Espagne, le reste utilisé pour le commerce. La visite est intéressante car les machines d'époque sont toujours là. Les laminoirs utilisés pour aplatir les lingots étaient d'abord entraînés par des esclaves puis par des mules. Les machines en bois (chêne venu d'Europe) sont en bon état. A la fin du XIX ème, l'électricité a remplacé la traction animale. L'ensemble a été joliment restauré. Des pièces d'époque sont aussi exposées. Dans une salle, tous les minerais de Bolivie sont regroupés. C'est impressionnant : zinc, cuivre, phosphate et j'en passe. Il y a un minéral jaune et violet (citrine et améthyste) qu'on ne trouve que dans ce pays : la bolivianite. On se rend compte dans cette pièce que les sous-sols Boliviens regorgent de richesses. Dommage que la visite guidée au pas de courses soit obligatoire. On n'aime pas être pressé pour regarder, surtout quand c'est intéressant.


Se pose ensuite la question de la visite des mines, qui est la raison de la venue dans cette ville de nombreux touristes. Au départ, Rapha voulait visiter une mine, moi non. Respirer de la saloperie pendant deux heures, aller voir la misère humaine et le côté voyeurisme ne me tentaient guère. Germinal en décrit assez sur les conditions des mineurs. Finalement, Rapha n'était plus trop motivé non plus. En plus, les agences et les hôtels ne redonnent quasiment rien aux mineurs. Où est donc l'intérêt ? D'après ce que nous avait dit Momo et Louis, ils avaient une mine dédiée aux touristes. Leur guide un peu foufou avait fait pété de la dynamite...


En sortant de la casa de la moneda, on voit au coin de la rue le bureau "Big Deal" qui est décrit dans le Routard comme l'agence la plus sérieuse pour visiter les mines. On y va sans grande conviction, pour voir. C'est Pedro qui nous accueille. Les 8 guides sont tous d'anciens mineurs. En cas de coup dur, ils leur arrivent de retourner travailler à la mine (saison des pluies, grèves donc pas de touristes...). Il nous explique les différentes étapes de la visite, il nous dit que 15 bolivianos sont reversés à la coopérative de mineurs à chaque visite. Il nous explique qu'ils vivent moins bien du tourisme que de la mine. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, pas tous mais une partie des mineurs gagnent jusqu'au double du salaire minimum bolivien. Certains sont très pauvres aussi. On décide d'encourager cette initiative en payant le double de ce qui se fait ailleurs. On n'a pas le temps de manger. Le tour commence 3/4 h après. On dépose chez le cordonnier le sac à dos, il nous dit qu'il peut le réparer. On achète de quoi grignoter en vitesse. On part à 5 vers 13h30.


On commence par aller au marché des mineurs. C'est par là qu'ils passent le matin se ravitailler avant d'aller travailler : alcool à boire à 96 degrés, feuilles de coca... Ils doivent s'acheter leur matériel eux - mêmes, ce qui fait ça en moins sur leur paye. Il est d'usage d'offrir des cadeaux aux mineurs croisés. De cette manière, on est sûr que les mineurs récupèrent directement quelque chose. On fait alors le plein : jus d'orange, une paire de gants, deux sachets de feuilles de coca et de la dynamite. Wilson, notre guide nous explique que les mineurs ne mangent rien, uniquement de la feuille de coca qui les stimule et leur coupe la faim. Parfois, ils font une doble : 24 heures sans sortir de la mine... C'est le seul endroit au monde où on peut acheter de la dynamite, nécessaire pour creuser dans la roche volcanique. Faut pas se louper !


L'agence a un local dans lequel elle stocke les équipements : veste, pantalon, casque, lampe frontale, sac, paire de bottes et un masque. En minibus, ils nous amènent jusqu'à une usine de transformation. On commence par la fin ! C'est ici qu'arrivent les camions remplis de roches. Il y a du zinc et de l'argent. Les pierres sont moulues puis mélangées à des produits chimiques pour récupérer l'argent et le zinc qui sont dans différentes cuves. Une fois épurés et rincés, ils sont mis en décantation puis à sécher au soleil. Ça redevient de la poussière prête à être vendue. Leur problème, c'est que le pays n'a pas de frontière maritime. Les entreprises sont obligées de vendre leur production à des entreprises chiliennes qui exportent ensuite dans le monde entier. On en revient toujours à ce désaccord avec leur voisin.
En arrivant sur le site, je croyais que c'était du ciment ... J'aurais appris quelque chose sur la transformation. Par contre, les ouvriers travaillent sans protection ... Et toutes les eaux usées sont stockées dans des lagunes creusées au fur et à mesure ... On peut acheter de beaux bijoux en argent en toute quiétude !


On file ensuite vers une mine. L'avantage en passant par cette asso, c'est qu'on est tout seul. Ils connaissent les mineurs et changent de coopératives pour que toutes profitent du tourisme. On va entrer dans les entrailles du Cerro Rico, montagne qui domine la ville. La mine fonctionne 24 heures sur 24. On dit la mine mais ce sont plutôt des mines dans lesquelles travaillent plus de 5 000 mineurs. On rentre à l'intérieur en longeant deux rails qui permettent aux wagonnets de sortir. On marche dans l'eau. Rapidement, ça pue. Je sens que le fond de l'air n'est pas sain. Ça prend à la gorge. On comprend pourquoi 80 % des mineurs finissent par avoir la silicose. Il faut marcher à moitié baissé. On croise des mineurs qui finissent leur journée. Plus loin, on en croisera qui sortiront leur wagonnet chargé de pierres. Les trois gars essaieront de le tirer. Même avec l'aide des mineurs, ils ont eu du mal. C'est le quotidien de ces trois mineurs habitués à tirer avec deux cordes à l'avant, l'autre pousse à l'arrière. On commence alors la distribution de ce qu'on a acheté. Ce qui coûte le plus cher, c'est la dynamite mais ils nous ont tous demandé si on avait à boire. Selon les endroits, les températures peuvent varier d'un extrême à l'autre. On croisera un père et son fils équipés d'un marteau piqueur et de bons masques, ce qui montre qu'ils sont moins pauvres que les autres. Dans la mine, ça suinte de partout. Il y a des minéraux de toutes les couleurs : violets, verts, jaunes... On verra même des stalagtites bleues transparentes. Elles sont constituées de sulfate de cuivre. Attention aux yeux. Une goutte dans l'oeil peut avoir de graves conséquences. A un moment donné, on fait une pause. Béto et Wilson nous expliquent comment il est possible de devenir propriétaire d'une partie à creuser. Il faut impérativement avoir travailler dur comme mineur pour pouvoir acheter une concession. A un moment donné, on entend deux explosions. C'est surprenant, ça vibre. Ce sont des mineurs qui dynamitent la roche, ils estiment que c'est à 60 mètres de nous. On croisera d'autres mineurs qui exploitent un bon filon d'argent, de 8 à 20 heures. On continue la distribution de nos achats. On leur donnera de la dynamite. Ils en ont besoin pour avancer. On grimpera trois affreuses échelles successives pour rendre visite au Dieu des mineurs, Tio. Les mineurs viennent lui donner des offrandes (coca, alcool, cigarettes...) pour avoir de la chance dans les filons, une bonne santé, la fertilité... Tio est toujours en forme ! Les femmes ne peuvent pas devenir mineur parce que Tio serait attiré par elles. La Pachamama (terre mère sacrée) serait jalouse et pourrait se mettre très en colère : accident, maladies...


Après une longue galerie à marcher courbé, on retrouve la lumière du jour. On finit par donner la paire de gants qui reste à un mineur. On redescend à pied par un chemin. Des enfants nous voient arriver, ils arrivent en courant pour nous retrouver. On n'a rien pour eux, on n'avait pas pensé aux enfants. Les Suisses leur donnent des chocolats. Ils sont contents. Le guide nous expliquera après que leur père mineur est mort de maladie. La mère peut rester vivre dans cette maison en adobe plus que rudimentaire. Ils sont miséreux. Et le pire, c'est que leur destin est déjà tracé d'avance ... Ils suivront les pas de leur père dans quelques années.


En arrivant dans la ville, on va manger directement, on a trop faim. On a tourné à la feuille de coca pour nous faire passer la faim ! On a choisi le bon moment parce qu'il y a encore un gros orage. On récupère aussi notre sac avec une nouvelle fermeture éclaire ! Le coordonnier en a même trouvé une avec deux zips comme on avait ! Nickel, on est content parce qu'il est super pratique ce sac avec ses compartiments. Il est reparti pour un tour pour quatre fois rien. Ça manque vraiment en France. Ici, on te répare ou on te créé tout avec rien. Ils fabriquent même leurs sandales avec du pneu récupéré !


Finalement, le temps de trajet vers Tupiza a l'air beaucoup moins long que prévu. La route est récente. Comme le dernier bus est à 21h30 et qu'on ne veut pas arriver à 3h30, on décide de rester de faire une nuit de plus et de partir tôt le lendemain.

Place centrale

Place centrale

Casa de la moneda

Casa de la moneda

Casa de la moneda

Casa de la moneda

De la bolivianite

De la bolivianite

Wilson, un des deux guides

Wilson, un des deux guides

Dynamite !

Dynamite !

Zinc ou argent

Zinc ou argent

Mont Cerro

Mont Cerro

En tenue !

En tenue !

Wagonnets sortants de la mine

Wagonnets sortants de la mine

Père et fils mineurs

Père et fils mineurs

Les 3 mineurs tirant leur wagonnet

Les 3 mineurs tirant leur wagonnet

Maudites échelles

Maudites échelles

Tio

Tio

Un boyau !

Un boyau !

Publié dans Bolivie, Carnet de route

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C
Alors, un petit conseil : s'il vous reste de la dynamite, ne la ramenez pas parce que les douaniers Français sont un peu chagrins en ce moment et ils risquent de mal prendre la blague ..... Bisousssss à tous les 2
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